Publier Associations
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« Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent. Usés, maigres et tremblants dans ces wagons plombés… » chantait Jean Ferrat.
Ce dimanche, ce ne sont pas les chiffres qui ont ému, mais les visages, les mémoires, les liens familiaux : un père, un grand-père, un oncle. Sur l’esplanade Jean Moulin, chacun ressentait la présence de ceux que l’Histoire n’a pas oubliés.
À l’occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation, un moment de recueillement intense a été orchestré par le président de la section UNC d’Amphion-Publier, Alain Daguzan. Dans un profond silence, l’assemblée s’est laissée traverser par l’émotion, portée par les paroles, les chants et les souvenirs.
Joachim Cottet, déporté originaire d’Habère-Poche, a survécu aux camps de concentration. Mais il en a porté les séquelles toute sa vie, des plaies invisibles, béantes, que le temps n’a jamais refermées et qui coulent encore dans les veines de sa fille Françoise. Ce sont ces souvenirs, transmis avec pudeur, que la fille de Joachim, Françoise Vason, est venue partager ce dimanche.
Au micro, sa voix s’est faite le relais d’un témoignage bouleversant :
« Le 29 avril 1945, Joachim Cottet vivait l’impensable : la libération du camp de Dachau. »Dans le récit de Joachim, lu par Françoise, la douleur et l’espoir s’entremêlent :
« Ils hurlaient leur joie, pleuraient comme des gosses, toutes nationalités confondues… Nos libérateurs, nos sauveurs, c’était donc vrai. Le cauchemar finissait, et nous étions vivants. »
Personne n’a eu besoin de réclamer le silence. Chacun, intérieurement, imaginait l’horreur, la faim, la peur, mais aussi cet instant de grâce qu’a pu représenter la fin du cauchemar. Le recueillement fut prolongé par l’interprétation de la chanson Nuit et brouillard, de Jean Ferrat :
« Ils n’arrivaient pas tous à la fin du voyage. Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux ? Ils essaient d’oublier, étonnés qu’à leur âge, les veines de leurs bras soient devenues si bleues. »
Françoise est ensuite revenue lire le message des associations de déportés :
« Le retour à la liberté ne peut être dissocié des évacuations, des marches de la mort, des massacres qui les ont accompagnées. Lorsque leurs bourreaux les abandonnèrent, les déportés portaient en eux les séquelles des camps… des blessures qui ne les quitteraient jamais. »
Puis s’est élevée la mélodie du Chant des marais, entonnée comme une prière, une résistance, un espoir :
« Ô terre de détresse où nous devons sans cesse piocher… Bruit de pas et bruit des armes, sentinelles jour et nuit, et du sang, et des cris, des larmes, la mort pour celui qui fuit. »
Le maire, Jacques Grandchamp, a ensuite lu le message de la ministre déléguée auprès du ministre des Armées. Un rappel lucide et nécessaire :
« Le cauchemar ne surgit pas de nulle part… L’homme est devenu bourreau, assassin, visage répugnant d’une barbarie déchaînée. Tous furent broyés dans les rouages d’un système organisé pour déshumaniser, avilir, faire disparaître. »
Après le dépôt de gerbe à la stèle de la déportation par André Servoz (président de la FNDIRP), Stéphanie Vason (petite-fille de déporté) et Julian Laugier, ce fut au monument aux morts que le maire Jacques Grandchamp, accompagné du premier adjoint James Walker, déposait une gerbe. Tous deux ont tenu à remercier chaleureusement les porte-drapeaux. Par leur présence digne et solennelle, ils ont contribué à rehausser la grandeur de ces commémorations, organisées dans les villes et villages du Chablais.
Un hommage collectif, essentiel, pour faire vivre la mémoire des déportés.
Crédit photos : Philippe Béchet
Merci Didier pour ce bel article.